Il met sur pied le système de camouflage des dépôts. Le 18 avril suivant, il participe au premier parachutage. Il prendra toujours sa part de tous les dangers : transports, camouflages, dépôts, liaisons... « Le chef paie d'exemple » disait-il. Mais, bientôt, la milice le soupçonne, la Gestapo le surveille. Avec l'aide de son infatigable second, le lieutenant Dardenne, il poursuit son oeuvre, déroute l'ennemi, déjoue la surveillance et déplace à plusieurs reprises le matériel. « Le commandant Rauscher se savait surveillé, mais il n'en continuait pas moins son travail avec une sérénité, un calme, un entrain, qui faisaient notre admiration, non sans nous inquiéter un peu et, à nos conseils de prudence, il répondait : J'accorde a priori ma confiance à tous, tout en restant vigilant. Je ne la retire qu'à l'expérience. » Mais l'inéluctable survient et, le 10 décembre 1943,au petit matin, trois voitures de la Gestapo s'arrêtent devant son domicile. Il est arrêté par Paoli le gestapiste français d'Aubigny-sur-Nère, devant son épouse et ses deux plus jeunes enfants. Pierre Rauscher est aussitôt incarcéré au Bordiot, à Bourges. Constamment interrogé et torturé par Paoli, bien que sachant tout, il ne révèle rien. Comme beaucoup de détenus, il est réconforté par l'infirmier allemand Alfred Stanke, le " franciscain de Bourges ". Le 9 avril 1944, il est transféré à la prison allemande d'Orléans, puis il est déporté en Allemagne via le camp de Compiègne. Le 7 juin 1944, il arrive au camp de concentration d'Orianenburg-Sachsenhausen dans le même wagon que le capitaine Bonnichon et, il est détaché au commando " Falkensee " pour travailler à l'usine Dernag. Il y est très gravement blessé au bras et évacué sur l'infirmerie du camp où un médecin français soigne son bras et lui sauve la vie en l'incitant à faire de petites corvées avant la cicatrisation totale de sa blessure. Il est promu lieutenant-colonel au mois de décembre 1944. Début février 1945 il est transféré au petit camp de Buchenwald. Le 8 avril, devant l'avance américaine, le camp est évacué sur celui de Flossenburg, atteint après plusieurs jours de marche et des pertes énormes. Il y reste quatre jours, et le 20 avril, très fatigué, il repart à pied au milieu d'une colonne de 22000 déportés vers la frontière tchèque. Il y est aperçu, exténué, le 22 avril après-midi ; mais le 23, lorsque les Américains délivrent les 7000 survivants de la « colonne de la mort », près de Wetterfeld, il n'est pas retrouvé par ses camarades français. Le 1er septembre 1945 il est nommé officier de la Légion d'honneur avec attribution de la croix de guerre avec palme et la citation suivante : " Dès la dissolution de l'armée a organisé la résistance de son bataillon. Grâce à son ascendant, a réussi à maintenir sur place une grande partie de ses cadres et de sa troupe. A camouflé des armes, du matériel, des vivres. A conduit les équipes de parachutages. Arrêté par la Gestapo en 1943, a été déporté en Allemagne. Son bataillon est demeuré dans la résistance et, dès août 1944, s'est retrouvé, complet, armé et prêt à l'action. Au cours de ses interrogatoires, n'a fourni aucun renseignement à l'ennemi. " En octobre 1945, porté disparu, la médaille de la Résistance avec rosette lui est décernée. Le colonel Bertrand, pour sa part, l'a cité dans les termes suivants : " Officier remarquable par ses qualités de soldat et de chef. A forcé l'admiration de la Gestapo elle-même par la dignité de sa tenue, tout comme il avait su forcer l'attachement de ses hommes et de ses cadres. Un an après sa dissolution, son bataillon avait gardé une âme et un corps. A été stoïque dans la difficulté, tout autant qu'il avait été humain dans son commandement et ferme dans sa volonté de résister. A été la pièce essentielle sur laquelle s'est appuyé le 1er RI pour vivre malgré sa dissolution. Doit prendre, une fois l'armée reconstituée, le commandement de ce régiment. » Soyez fier, colonel Rauscher ! Votre oeuvre n'est pas demeurée vaine, c'est vous qui avez regroupé tous ces jeunes, c'est votre exemple qui les a guidés, c'est votre foi que vous leur avez communiquée. Ceux qui ont appris à servir sous vos ordres ne vous oublient pas. »